Le combat ordinaire

« Le combat ordinaire », c’est l’histoire sur quelques années de la vie de Marco, jeune photographe à succès qui décide d’un coup de changer de vie. Il a de l’argent de côté, suffoque dans sa vie de Francilien, part donc vivre sa vie à la campagne, à Chazay, et mène une vie… ordinaire. Car Marco, outre ses comportements obsessionnels accompagnés de névroses diverses elles aussi obsessionnelles (dixit son psy) est un garçon tout ce qu’il y a de plus normal.  Il a un chat un peu taré, un voisin un peu fou, il a un frère qui fume des joints, un père atteint de la maladie d’Alzheimer, tombe amoureux de sa vétérinaire, ne va pas assez voir ses parents, n’a plus envie de travailler, et il se pose des tonnes et des tonnes de questions sur lui-même et ses relations au monde, aux autres.

« Le combat ordinaire », c’est un magnifique ouvrage sur la vie que nous livre son auteur, Manu Larcenet. L’oeuvre aborde des termes universels courants, tels que l’amour, la famille, le deuil et son acceptation, les enfants et le fait d’être parents, son propre rapport aux autres. Il parle aussi de sujets moins courants, avec par exemple la rencontre d’un vieux monsieur adorable, qui devient un ami et qui se révèle être un ancien tortionnaire de l’armée française pendant la guerre d’Algérie. Ou bien la fermeture d’un chantier naval pour cause économique, entraînant la mise au chômage de tous ceux qui y travaillent, permettant d’aborder le sujet de leur détresse et de leur peur.

Manu Larcenet nous livre un ensemble d’impressions, de préjugés, de réflexions, de sentiments,  qui nous amène à nous poser les mêmes questions que Marco. Comme lui on essaie de trouver du sens à ce qu’on vit, ce qu’on voit, ce qu’on entend. On essaie de comprendre comment des personnes qui nous sont proches peuvent agir de manière qui nous sembles folles, incohérentes, on essaie de comprendre, tout simplement sans jugement. On essaie d’avancer, de ne pas se laisser clouer sur place par nos peurs et nos interrogations.

L’histoire de Marco en elle-même est classique, ordinaire donc, et c’est ce qui fait la puissance de cette oeuvre : on s’identifie sans soucis aux personnages, on se reconnait dans leurs peines, dans leurs combats ordinaires pour mener leur vie.

 

Quand au format de l’histoire, Larcenet nous livre un dessin simple et sans fioriture, avec quelques aménagements intéressants: l’histoire principale de Marco, en couleur, est en effet entrecoupée de passages nous livrant ses pensées intimes, en bichromie.

J’aime beaucoup aussi la façon dont Manu Larcenet nous fait comprendre les sensations de panique, de peur ou de peine de son personnage, avec une modification du dessin des yeux, particulièrement expressive.

En plus du format, Manu Larcenet nous livre quelques pépites littéraires, pleines de jolies mots, qu’on a envie de noter dans un petit carnet, et qu’on relis parce c’est beau, c’est juste, c’est ce que l’on avait aussi envie de dire nous, et qu’on remercie monsieur Larcenet de l’avoir dit et dessiné, si bien dit et si bien dessiné (même les titres des BD de la quadrilogie sont top: « le combat ordinaire », « les quantités négligeables », ce qui est précieux », « planter des clous ». Joli, non ? ).

 

« Alors aujourd’hui, c’est à la mode, d’avoir des racines de-ci, de-là..

CONNERIES , OUI !

C’est rien d’autre que la glorification de la tradition imbécile.

Ça nous colle au sol, ça nous empêche d’avancer. Les racines, c’est bon pour les ficus. »

 

Un très bon moment de lecture, et une oeuvre indispensable pour toute bonne bibliothèque qui se respecte.

En même temps que « le combat ordinaire », Larcenet a fait paraître une autre oeuvre, autobiographique cette fois, traitant à peu près des mêmes sujets, « le retour à la terre ». Pour le coup je n’ai pas trop accroché. On trouve là des planches sous forme de strip, et si certaines mises en abîmes m’ont fait sourire, je ne me suis pas du tout identifiée aux différents personnages et ai trouvé la lecture assez laborieuse.

Du même auteur, sur des registres très différents cette fois, je vous conseille plutôt la superbe oeuvre « Blast » ainsi que « Le rapport de Brodeck », adaptation en BD du livre éponyme. Toutes deux très belles œuvres en noir et blanc, avec des dessins vraiment magnifiques, mais dont les récits sont très (très!) sombres, même si les histoires sont vraiment bien racontées. Je suis contente de les avoir lues car elles valent vraiment le détour, mais peu de chance que je les relise (surtout « Blast »), car c’est réellement trop sombre pour moi. Je vous les conseille néanmoins (ne serait ce que pour les dessins ! ).

 

 

 

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